Progression des caprins domestiques au Sahara


Ci-dessus: peinture du Tassili, en style d'Iheren.

Si les moutons sont bien venus du Levant, la date de Wa-n-Muhuggiag est plus qu’étonnante: elle n’est pas crédible. De fait, elle provient de l’analyse d’un seul échantillon, effectuée dans les années 1950, c’est-à-dire au moment où la méthode de Willard Frank Libby commençait tout juste d’être expérimentée au Fayoum, et elle est donc à priori sujette à caution. Sans nullement remettre en cause l’identification des restes fauniques par Achilles Gautier (1987a), cette suspicion, qui ne concerne que la datation, se renforce du fait que le même site de Wa-n-Muhuggiag, fouillé de nouveau dans les années 1990, a donné cette fois des dates de 6410 ± 160 bp à 7823 ± 95 bp obtenues à l’extérieur de l’abri, mais sans aucun capriné domestique (Di Lernia & Manzi 1998, tabl. 1). L’archéozoologue Claudio Corridi (1998: 90), qui a identifié les ossements récoltés lors de ces nouvelles fouilles, en a été amené à déduire que les anciens échantillons auparavant vus par Achilles Gautier devaient en réalité être plus récents que les siens. Toujours dans la Tadrart Akukas, des ossements de caprinés domestiques sont cités à Wa-n-Telokat (Wâdi Imha) dans le courant du VIIe millénaire BP (Corridi 1999), ce qui paraît de nouveau contredire le fait que ces animaux auraient été introduits par lente diffusion à partir de la zone de passage du Nord-Sinaï, où ils n’apparaissent pas avant 6500 bp (Smith 1989 : 71, Midant-Reynes 2003 : 84-85, Close 2002 : 460). C’est que, là encore, la date la plus ancienne citée pour Wa-n-Telokat, celle de 6745 ± 175 bp, est tout aussi douteuse que celle de Wa-n-Muhuggiag, et pour les mêmes raisons. Ces deux datations de Wa-n-Muhuggiag et Wa-n-Telokat, qui sont régulièrement produites depuis des décennies pour argumenter une apparition du mouton au Sahara central vers les VIIIe-VIIe millénaires avant nos jours (Barich 1978-1979 : 314, Garcea 1992 : 58, Corridi 1998 : 93) – voire au IXe millénaire (Mori 1998 : 63) ! – ne font donc que fausser les débats, et encombrent depuis trop longtemps la littérature. Après avoir été régulièrement mises en cause depuis plus de quinze ans (Muzzolini 1986 : 312, 1990 : 100, 1995 : 190), elles n’ont pas été confirmées par les nouvelles données de Wa-n-Muhuggiag (Corridi 1998 : 90 et tabl. 1) où la fouille de contrôle de Barbara Barich n’a donné, pour plus ancienne date, que celle de 6035 ± 100 bp (Barich 1987 : 337, Di Lernia & Manzi 1998, tabl. 1). À Wa-n-Telokat, la fouille de contrôle d’Elena Garcea n’a livré, pour le niveau III, où apparaissent les ovicaprinés, que la date de 5900 ± 80 bp (Garcea 1992 : 59, Garcea & Sebastiani 1995). Ces nouvelles données placent donc la diffusion des ovicaprinés dans l’Akukas au VIe millénaire, ce qui donne une image plus acceptable de l’infiltration de ces animaux domestiques jusqu’au cœur du Sahara et valide le ferme rejet, par Angela Close (2002 : 460), de toutes les datations plus anciennes.

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