L'arche de Noé de nouveau découverte
Ce qu’il y a de bien, avec les expéditions qui partent à la recherche de l’arche de Noé, c’est qu’elles reviennent toujours en affirmant l’avoir trouvée, quel que soit l’endroit où elles la cherchaient. C’est bien sûr le cas de celle qu’a récemment dirigée Yeung Wing-Cheung, qui diffuse un film montrant une ènième découverte, effectuée sur le mont Ararat en Turquie, à 3658 mètres d’altitude. Avec son équipe, il a réalisé un documentaire qui montre une structure en bois curieusement située dans une grotte et supposée avoir appartenu à la mythique embarcation. Une sorte de cale de bateau.
Un autre documentaire, d’origine turque cette fois, avait déjà été diffusé en 2008 sur le même sujet, qu’à vrai dire il « documentait » bien peu:
Evidemment, cette prétendue découverte laisse les archéologues de bois, voire de marbre. D’ailleurs, l’enthousiaste Yeung Wing-Cheung n’est pas lui-même archéologue, et il se présente comme un cinéaste d’Hong-Kong membre d’un groupe dénommé Noah’s Ark Ministries International, ce qui ne laisse pas présager une grande impartialité scientifique. Passons sur les arguments classiquement présentés contre la véracité de l’embarcation mythique (ainsi, il n’y a jamais eu assez d’eau sur terre pour permettre même à un fétu de s’échouer à une telle hauteur). Passons surtout sur celui qui consiste à dire que la nouvelle trouvaille ne peut être l’arche, puisque celle-ci a déjà été découverte ailleurs (en fait, elle a déjà été « découverte » environ une fois par décennie durant les cinquante dernières années). Il suffit de noter qu’entre trouver une « structure en bois » et affirmer qu’il s’agirait d’un habitacle de l’arche Noé, existe une légère marge qu’on aimerait voir comblée autrement que par la référence au mont Ararat. Il pourrait tout aussi bien s’agir d’un abri relativement récent (comme le laisse penser son improbable état de conservation et sa situation en grotte), où même d’un faux ad hoc réalisé dans le cadre d’une supercherie, ainsi qu’on peut également le penser à la lecture de certains témoignages. En tout cas, les dépêches de l’AFT telles que celle qui a été diffusée le 27 avril dernier sur ce sujet ne constitue certainement pas l’endroit où s’authentifient les découvertes archéologiques. Et une conférence de presse ne peut pas jouer ce rôle non plus.
Il est donc absolument faux de prétendre que cette « découverte » serait à la première à être vraiment contraignante parce qu’elle serait « bien documentée », ainsi que le prétend Gerrit Aalten dans un autre film, réalisé par la même organisation évangélique Noah’s Ark Ministries International.
Quant à la date de 4800 avant nos jours, donnée par les « découvreurs » comme résultant de l’analyse du carbone 14 contenu dans un fragment de bois prélevé dans leur structure, elle est supposée impressionner par son apparente scientificité. Mais elle ne peut convaincre personne car elle ne répond aucunement aux normes obligatoires pour accréditer ce type de résultat, à savoir l’indication du laboratoire responsable de l’analyse, et surtout la publication de la marge d’erreur inhérente à la méthode de datation utilisée. On oublie trop souvent, en effet, que les résultats obtenus par cette méthode ne livrent que des indications statistiques, non des dates comparables à celles de notre calendrier, ce qui conduit à une incertitude telle qu’elle a conduit les archéologues à respecter l’adage « one date: no date ». En effet, toute datation radiocarbone doit être confirmée par d’autres moyens. Par exemple par le moyen de la dendrochronologie, méthode très fiable régulièrement utilisée en Anatolie (des exemples se trouvent ici et là) et dont on s’étonne qu’elle ne le fut pas pour cette « découverte », vu l’exceptionnelle masse de bois disponible. Alors vouloir confirmer la date par le moyen de la Bible relève de la (mauvaise) plaisanterie.
Quant à l’idée d’un déluge universel survenu il y a 4800 ans, c’est très simple: elle contredit tout, absolument TOUT ce que l’on sait actuellement de l’archéologie mondiale, tout simplement. Il suffit de songer à ce qui se passait à l’époque en Egypte ou en Mésopotamie, pour rejeter ce tissu d’inepties comme résultant d’une nouvelle opération de propagande créationniste.
JLLQ